Photo Laurent Ch
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Immersive
Massif des Écrins / AURA / Aout 2023
Durée 7 jours
Pour 6 participant.e.s
Massif des Écrins / 1 jour en vallée et 5 jours en altitude / 6 personnes
24 au 30 aout 2023
Le refuge Adèle Planchard est situé à 3169m d'altitude, Le refuge est le deuxième plus haut perché du Le refuge est un belvédère sur la Barre des Ecrins. Le groupe montagneux de la Grande Ruine, situé entre celui de la Meije au nord et celui de Roche Faurio - Neige-Cordier au sud, s’avance surtout vers
l’est en un fort promontoire que bordent les vallons des Cavales au nord et de la Plate des Agneaux au sud. Du côté ouest il domine le vallon des Étançons par une haute muraille qu’indente une succession
de petits cirques glaciaires, ce qui lui confère une crête crénelée de sommets plus ou moins pyramidaux. Avec François Dehoux Plasticien, Alain Fraboni Peintre, Lucie Lastella Circassienne, Mathilde Fouldrin Universitaire, Abdou Martin Guide de haute montagne, Laurent Chanel . Nous sommes accueillis par les gardiens Guillaume et Violaine.
Un changement de refuge au dernier moment pour causes d’accès compliqués au refuge de l’Aigle ainsi qu’un manque d’eau et de vivres en cette fin de saison. Il est décidé de monter directement au refuge (1600m de dénivelé positif) pour le dernier jour prévu de beau temps. Les jours suivants au refuge apportent des conditions hivernales, il n’arrête pas de neiger, et le paysage se transforme peu à peu sous nos yeux. Le refuge prend tout sa signification. Nous sommes absolument seuls avec les gardiens ( personne n’est monté en montagne ces jour ci, et pour cause! ) . Nos trajectoires dans le territoire environnent restent très limitées en distance mais gagnent en intensités. La fin du mauvais temps coïncide avec le moment de quitter les lieux.
Présentations de cette Horde de la contreneige
Mathilde Fouldrin
Enseignante au Havre et doctorante en littérature française, Mathilde Fouldrin s’intéresse particulièrement à la montagne en tant que territoire poétique. A partir d’un corpus trouvant ses prémices dès les années 1960 chez les poètes de l’Ephémère (Jacques Dupin, André du Bouchet…), et qui tend à laisser une place importante aux autrices et auteurs contemporains (Mélanie Leblanc, Isabelle Lévesque, Olivier Salon…), elle explore la manière dont les poètes « habitent le monde » et témoignent, dans ce rapport intime au territoire, d’un espace hors du commun. Ce travail, soutenu par les réflexions écopoétiques, questionne une poésie se confrontant au réel et effaçant les imaginaires romantiques. Ses recherches trouvent un écho personnel dans ce territoire qu’elle aime gravir, parcourir et dessiner..
Alain Fraboni
Originaire de Grenoble, Alain Fraboni travaille à Lyon depuis 1999 et poursuit depuis une dizaine d’années une recherche spécifique sur le paysage montagnard en peinture, dessin et photographie. Celle-ci est en lien avec son intérêt pour ce milieu autant du point de vue environnemental qu’esthétique. La pratique des sports de montagne participe à sa démarche artistique. Revisiter l'histoire du paysage en s'inspirant des images recueillies en altitude guide le travail de peinture à l'atelier dont les étapes minutieuses sont comme une sorte de voyage méditatif. Son parcours professionnel, après des expériences dans les arts graphiques puis l’obtention d’une Licence d’arts plastiques à l’Université Jean Monnet à Saint-Étienne, l’a amené à enseigner les arts plastiques en tant que professeur agrégé. Parallèlement, il a participé à plusieurs projets et expositions avec l’association Usine Éphémère à Paris et a cofondé l’atelier collectif Le Ventre de la Baleine à Pantin. Ses peintures ont été exposées dans divers lieux et galeries en France et à l’étranger.
François Dehoux
Longtemps installé en milieu rural, François Dehoux développe une recherche dans laquelle les questions sociologiques et environnementales sont centrales. Dans une exploration écosystémique, à la fois scientifique et sensible, son intérêt profond pour les milieux naturels s’associe à son parcours au sein de différents secteurs de l’artisanat pour développer un travail protéiforme entre sculpture et installation .
Lucie Lasstella
Lucie Lastella tourne dans son cercle au sol depuis quelques années déjà, mais voyage dans le monde du cirque depuis son enfance. Elle trouve dans la pratique circassienne une liberté de créer qui l'amène jusqu'aux formations de l'ENACR et du CNAC. Attirée par la pluridisciplinarité, l'artiste étoffe les rencontres à travers le spectacle comme un art vivant, et un art de vivre, en créant des projets avec d'autres artistes (Cie La Geste, les Femme Sauvages) et en travaillant en tant qu'interprète dans différents projets et compagnies de cirque, de théâtre et de danse (Cie La Relative, Cie des Lucioles, Cie Infime Entaille, Matthieu Chedid..) depuis 2017. Une expression physique variée mêlant cirque, danse et théâtre, inspirée par les mythes de la transformation et par l'imaginaire collectif, traverse sa démarche d'autrice, de metteuse en scène et de poète. https:// www.lucielastella.com/
Abdou Martin
Guide de montagne depuis 30 ans, par passion et par hasard aussi puisque j'ai dû arrêter mon 1er métier de jardinier à cause d'allergies au pollen. Je ne sais pourquoi j'ai été attiré par la montagne, ma rencontre avec elle ne s'est fait qu'à mon adolescence. Mais qu'importe le pourquoi, je remercie infiniment la vie de cette rencontre et je me considère comme un privilégié de faire ce métier qui me nourrit dans tous les sens du terme. Et parallèlement je nourris une passion depuis la fin de mon enfance pour la photo. Ca tombe bien, la montagne est un superbe décor pour la photo, et un très beau bureau pour un guide. https:// www.chmouty.com/
La Montagne Inverse
La Grande Ruine
Nous sommes arrivés au refuge Adèle Planchard en cette fin d'août pour un format de recherche en haute montagne sans précédent. En arrivant, la Grande Ruine nous présentait ses éboulis et son chaos sans fin. Cette montagne qui se désagrège inéluctablement nous annonçait sa prochaine disparation. Alors nous l'avons imaginé sculptée par d'innombrables tailleurs de pierre. Nos pensées funambulaient entre l'artefact et le tragique. Les roches se sont lentement recouvertes de blanc. La blancheur est venue panser la Grande Ruine et ses blessures. Les reliefs ont pris une épaisseur qui nous a enveloppé et nous a piégé. Le refuge a alors pris tout son sens. Il a été sous-marin, navire & grotte. Il est devenu caisson d’isolation et capsule temporelle. Nous y étions dans une sorte de retraite artistique. Nous avons accueilli cette métamorphose atmosphérique et partagé la douceur de cette transformation. Nous étions seuls, seuls avec la montagne.
Participer au paysage
Affiner notre langage, apprendre celui de la montagne. Un équilibre entre théorie, poésie et immersion physique. Nous avons procédé par plongées successives. Sortir, revenir, repartir, nous allions de plus en plus en profondeur à chaque fois. Ces immersions demandent aux participants des qualités d’apnéistes, une endurance perceptive, une persistance de l’obsession sur le sujet. Créer un état de connivence avec les formes, les couleurs, les matières du lieu. S’exposer au réel. Devenir partie du paysage, transformer la contrainte en sujet d’expérience. Développer une acuité à s’imprégner des conditions atmosphériques. Méthodologiquement, nous observons, nous ressentons et nous restituons. Comme en alpinisme, le laboratoire est ici une prise de risque multifactorielle : risques humains, risques météorologiques et risques conceptuels.
Nombreuses sont les expériences endémiques qui y ont été vécues : Nous avons pu composer avec le massif, déplacer les montagnes, écouter le chant des pierres, respirer le paysage, trouver nos valeurs refuges et vécus des conférences situées. Nous avons observé les qualités optiques du
paysage. Nous nous y sommes incarnés par le camouflage, nous avons pu nous muer en différentes teintes de neige et nous situer dans l’histoire de la peinture. Nous avons pu peindre nos rêves, déclarer nos notices d’adieu à la vallée & devenir cairn. Sculpter la neige et draper le paysage, donner naissance à une contre-montagne ou vivre une cordée-constellation. Nous n’avons jamais atteint ni la crête ni le glacier, nous avons lu le blanc dans le blanc et dansé le froid.
Plonger en atmosphère
Nous avons vécu un espace-temps en tout point renversé, avec les conditions inverses de ce qu’on cherche quand on va en montagne habituellement. Nous sommes montés et descendus par temps clément, puis nous avons vécu ça, là haut. Avec l'invitée surprise : la tempête impromptue. Une montagne transformiste et facétieuse. Ici, frapper la roche devient caresser.
Se fatiguer c’est se réchauffer. La Montagne inverse. Le jour et la nuit. L’hiver en été. Une montagne d’air, une montagne de blancheur, une montagne d’atmosphères. Diverses qualités de blanc, de chimies différentes, qui renvoient la lumière autrement. Tout ralentit sous le poids du ciel. L'air est tamisé par les trajectoires floconneuses. La neige tombe sans fin. Le blanc opacifie le paysage. La blancheur aveugle. La montagne se dilue alors que tout se monochromise. Une montagne fantôme qui vient nous hanter. Nous expérimentons une perception élargie du paysage où l'on se transfert dans les qualités de ce qui tombe. Vivre une transe neigeuse qui fractalise les montagnes. Devenir une hibernation. Épouser la fluidité de l’atmosphère pour contempler ses chorégraphies de froid, de neige et de brouillard.
Un concentré de montagne
Nous avons vécu la puissance de l’atmosphère. Une plongée dans l'océan aérien et ses courants ouatés. Nous avons vécu dans un bocal. Nous avons flottés dans un aquarium laiteux. La Grande Ruine et une boule de neige retournée. Qu’est ce qui à été enseveli ici? Qu’est ce l’on peut exhumer ? Entre simulacre, effets spéciaux, désastres et présence fabuleuse des éléments. Devenir dérisoire. Se cristalliser. S’exposer à la métamorphose. Habiter les montagnes potentielles.
Assignés à résidence
(Puisque la montagne en a décidé ainsi)
Mais voici que bientôt Elle, la montagne, nous assigne à résidence.
Mettre aux fins aux rêves, regarder ce qui disparaît dans le brouillard: le projet d’un itinéraire, d’une course, d’une voie. Les nuages ont délogés le bleu, et la neige prend sa place de haut en bas. Elle réduit autant qu’elle augmente l’espace. Tout ralentit sous le poids du ciel: Nous-mêmes, marchant dans la neige, sommes de corps refroidis. La neige est rideau et manteau, renouveau du sol et du regard. Elle rend illisible le paysage.
La montagne est plus que jamais là, parce qu’inatteignable, infranchissable. Et tout s’accélère alors. Elle noie nos distances, fusionne nos repères. Elle nous oblige à regarder au dehors comme au dedans d’un espace clos par le voile, n’ayant de cesse de nous aveugler. Je cherche à se lover pour conserver la chaleur, et fait exister la montagne par sa seule pensée. La montagne qui nous entoure est invisible, et parce qu’elle a disparu, elle efface de ce blanc toute velléité de conquête. Elle emporte sur l’écran opaque les plans échafaudés. Le blanc, l’opaque, comme condition sine qua non d’un renouveau. Ayant brouillé jusqu’à la vue le peu de ce que Nous croit saisir, il ne reste qu’à écrire les paysages intérieurs.
Qui se loge, là, au creux de nos pensées, lorsque nous sommes assignés à résidence ?
Mathilde Fouldrin
Conditions
Les conditions météorologiques ont une incidence forte sur le déroulement de ces dispositifs de recherche. La question de la production artistique dans un milieu aussi difficile reste à résoudre ; le milieu est propice pour ressentir, confronter son corps à des contraintes inhabituelles, observer les phénomènes mais la question de la restitution artistique immédiate reste à explorer ou à définir au-delà de l’aspect performatif qui est déjà en lui-même une sorte de réponse adaptée à cet environnement particulier de la haute montagne . La fréquentation de ce milieu de la haute montagne peut permettre d’aborder des questions diverses et essentielles historiques, artistiques, psychologiques et interroger de quelles manières à partir de la contemplation, de l’expérimentation, de la confrontation physique avec ce milieu on pourrait tirer profit de ces moments pour en faire des sources d’inspiration et d’oeuvres à venir. Comment faire oeuvre en s’impliquant soi-même dans le paysage ? Errance en altitude. Est-ce que l’aspect ruiniforme du paysage de haute-montagne est une caractéristique importante qui participe à son esthétique particulière ?
Alain Fraboni
Vivre en intensité météorologique
Nous / Somme.s de bulletins météo. Qui soleil. Qui temps maussade. Qui encore aux portes de l’orage. Se rencontrer nuages. Se mélanger suivant l’atmosphère. Et étendre notre territoire commun. En proposant à la neige nos traces parfois maladroites. Se tenir au dehors et au-dedans du froid. Perdre ses repères et en recréer d’autres plus flottants et plus souples – Non moins résistants. Créer nos paysages, nos valeurs refuges et les faire résonner dans l’aggloméra de nos expériences personnelles
Cosmonautes descendus au ruisseau en attendant que la lune révère nos souvenirs.
Mathilde Fouldrin
S’échapper
S’échapper de la Montagne, littéralement.
Se retrouver projetée en pleine humanité débridée, les sens à fleur de peau. Retrouver le dispositif cellulaire, Le bruit des appareils qui vient couvrir le silence de la montagne. Tout devient mirage. Je suis expulsée violemment d’un rêve. Je n’ai plus que ce carnet et quelques photos pour me prouver du contraire. Je me sens comme arrivée d’une autre planète.
Je suis étrangère.
Rêve de glacier.
Lucie Lastella
Episode 2 - Propositions
Divers
Reliefs hallucinés / Laurent Chanel > protocole perceptif
Notices d’adieu à la vallée / Laurent Chanel > protocole perceptif, écriture
Respirer la montagne / Laurent Chanel > perceptions, écriture
Déplacer les montagnes / Mathilde Fouldrin > dessin
École de la téléportation/ Laurent Chanel > protocole perceptif
Faire chanter les pierres / François Dehoux > protocole perceptif et artisanal
Prisme Paysage / Laurent Chanel > protocole perceptif
Cairns / Laurent Chanel > protocole chorégraphique
Montagne de cire / Laurent Chanel > performance, installation
Draper le paysage / Alain Fraboni > performance, installation
cirque au refuge / Lucie Lastella > pratique chorégraphique
crevasse-tour / Abdou Martin > Cheminement, alpinisme
sculpter la neige / François Dehoux > installation
Valeur refuge / Mathilde Fouldrin > écriture
Peaux-paysages / Alain Fraboni > peinture, costume, performance collective
Naissance d’une Montagne / Lucie Lastella > performance, installation
Cordée Constellation / Mathilde Fouldrin > performance
panser le paysage / Alain Fraboni > installation
Névés géométries / François Dehoux > pratique, installation
Atteindre la crête / Abdou Martin > Cheminement, alpinisme
Vers la Grande Ruine / Abdou Martin > Cheminement, alpinisme
Montagne Tautologique
(discussion situées)
Lecture du blanc
Conférences d’altitudes
(conférences situées, préparées en amont)
l’apparition du paysage de montagne dans l’Histoire de l’art / Alain Fraboni
Les Poétes contemporaims et la montagne / Mathilde Fouldrin